Anna Karénine de Tolstoï ✩✩✩

C'est tellement dur d'introduire un livre pareil (900 pages, trois couples, beaucoup de tableaux, et VASTE!). En cherchant sur internet un extrait à présenter, j'en ai retrouvé sur Hellocoton à propos d'une cueillette de champignons (tout est normal, c'est dans le roman). Du coup je me suis intéressée aux divers aspects du roman que j'ai voulu lister... et que je n'ai jamais pu terminer. Pour m'excuser, je vais laisser la place à la prose de l'auteur:


Le Pitch: Dans la Russie tsariste de la fin du XIXe siècle, une passion va provoquer le scandale: celle de l'épouse modèle d'un notable froid et distingué, Anna Karénine, et du brillant capitaine Vronski. Les deux amants tenteront désespérément de faire résister leur amour en dépit de la menace du temps et du monde. Mais la passion est-elle vouée au bonheur? 
En parallèle, Levine, riche propriétaire terrien, souhaite quant à lui conquérir la plus jeune des princesses Stcherbatski, Kitty, amoureuse de Vronski...

Un conseil, d'abord: emportez-le au début des vacances, histoire d'avoir le temps de le terminer. Personnellement, je l'ai pris aux vacances de Pâques dans l'espoir de le terminer pour le bac de français (hem hem). Il faut au moins deux mois pour le lire. Etrangement, cela contraste avec la relative simplicité de l'écriture: aussi tordus que peuvent paraître les auteurs de l'époque, je trouve que Tolstoï, du moins dans Anna Karénine, a fait preuve d'une relative clarté (oui, parce que quand il se met à baragouiner en allemand dans Guerre et Paix, d'un coup c'est un peu moins facile!). Pourquoi avoir alors besoin de deux mois? Pour avoir le temps de digérer le pavé, sans doute. On ne peut que se gâcher la lecture en voulant le lire trop vite. Pour revenir sur sa parution, elle ne s'est faite que progressivement, en forme de feuilletons dans le magazine Rousky vestnik (Le Messager russe). Etant donné le succès que le livre a eu (je ne prends pas en compte les critiques de ses confrères envers son côté novateur), peut-être a-t-il voulu faire mousser ses lecteurs? De plus, il lui fallait beaucoup de pages pour développer ses tableaux. Ce livre se construit abondamment sur des anecdotes sur le "monde" à Saint-Pétersbourg et Moscou et la province des maisons de campagne. Comme toujours, l'écrivain fait preuve d'un sens critique assez puissant en crevant le portrait de ses personnages de sarcasmes. Oui, on peut rire en lisant Anna Karénine! Ah, la superbe critique de la société! Ainsi, Stépane Arcadiévitch, frère d'Anna, est un personnage médiocre incarnant la bureaucratie russe, un peu lourd et poltron.
Même si Levine est censé être le personnage principal (et oui, malgré le titre, c'était l'intention de Tolstoï), j'ai eu davantage de mal à m'y attacher qu'à Anna Karénine. D'abord, c'est une femme qui fascine par sa beauté, qui resplendit au travers des yeux de Vronski, mais elle est également une personne morale. Allez savoir pourquoi, elle m'a d'abord rappelé Fantine (le côté un peu gentil et pris au piège) avant de glisser vers une personnalité plus à la Emma Bovary. On a envie de lui dire: "Allez, brise les clichés!!!" et l'on est servi. Pour l'époque, une femme adultère est censée être une débauchée. Eh bien ici, ce n'est pas le cas: c'est une mère aimante, une épouse modèle. Puis interviennent Vronski, la passion.
Anna plongera progressivement dans la décadence, s'étant brûlée les ailes à trop vouloir s'approcher du bonheur. J'aime beaucoup la fin, même si elle est glauque. Tolstoï a d'ailleurs eu beaucoup de critiques de la part de ses confrères qui trouvaient la dernière scène de la septième partie trop misérable par rapport au personnage (et un peu flippante par rapport à la manière froide dont Tolstoï la décrit. Selon certains, on est censé voir en Anna une figure du péché. Personnellement, j'ai surtout vu une femme qui cherche à sauver les apparences mais reste au fond une femme "vertueuse".
Tolstoï a d'ailleurs introduit le roman par la citation "A moi la vengeance et la rétribution". Serait-ce une revanche de la part de l'héroïne de se libérer de son monde terne et de sa prison dorée, comme une Merteuil à la sauce russe?


Si l'on enlève le vice, cela se tient. Mais il y en plus une certaine touche de folie qui va s'emparer d'elle... L'auteur a su brillamment retranscrire sur le papier sa psychologie; si vous êtes claustrophobe, vous allez être servi. (Minute Beauvoir) Conséquence ultime de l'enfermement de la femme, la passion ne peut qu'être destructrice; en plus de ses brûlures intérieures, elle devra en outre supporter les médisances de la "bonne" société. Le théâtre, territoire mondain par excellence, se voit ici doté de toute la cruauté qui pèsera sur les relations d'Anna. On admire souvent chez Tolstoï son art de recréer un monde au sein de ses romans. Autre chose encore: et si Tolstoï avait mis en ses personnages une partie de ses démons? A l'époque, où il travaille à cet ouvrage, Tolstoï approche de la fin de sa vie, et porte un regard amer sur ses exaltations passées. Suite à de nombreuses crises mystiques et existentielles (dont il revêt Lévine, sorte de double littéraire de l'auteur), l'écrivain est atteint d'un certain pessimisme qui se ressent dans sa plume. Il se pourrait également qu'il ait extrait de sa propre expérience conjugale les obstacles qui jalonnent les obstacles du couple Lévine (qui est l'heureuse élue? Haha...)
Le bon, la brute et le truand... Tolstoï paraît vouloir retranscrire sur le papier tous les types humains qu'il aura pu glaner ça et là. On a par exemple Kitty la jeune fille vive qui fait son entrée dans le monde et espère beaucoup de la vie, ou encore Dolly, brisée par des années d'un mariage malheureux avec un époux infidèle et qui se retrouve avec de nombreux enfants à élever pour seule occupation. 
Il y a les héros, sensibles et complexes, à côté desquels le monde si respectable et si pieux n'apparaît que médiocre et hypocrite. Le summum de ce vice est la comtesse Lydie, qui estime être en son devoir de prendre le mari d'Anna sous son aile et de le guider vers le mysticisme, en bonne petite manipulatrice! 
Après cette lecture, tout comme après Guerre et paix, j'ai vraiment eu l'impression de connaître à fond la Russie. Une expérience que je conseillerait d'autant plus qu'il s'agit d'un véritable chef d'oeuvre que l'on devrait lire au moins une fois avant de mourir.

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