Le Livre des Baltimore de Joël Dicker ✩✩✩

Source: babelio.com
Je n'aimerais pas vivre dans cette famille, honnêtement.

"Beaucoup d'entre nous cherchons à donner du sens à nos vies, mais nos vies n'ont de sens que si nous sommes capables d'accomplir ces trois destinées : aimer, être aimé et savoir pardonner. Le reste n'est que du temps perdu."
Le Pitch: Avant, il y avait deux frères, et deux familles Goldman. Les Goldman-de-Montclair, famille de classe moyenne vivant dans une banlieue du New Jersey, et les Goldman de Baltimore, la richissime famille de l'avocat régnant sur un pavillon prospère de Baltimore. Puis il y a trois cousins: Hillel et Woody, les deux fils Baltimore touchés par la grâce, et Marcus Montclair, qui leur voue une admiration sans borne. Mais au fil des années, la gloire des Baltimore semble soudain menacée jusqu'au jour du Drame. Dès lors, Marcus se lancera dans une quête du passé, pour tenter de retrouver les Baltimore du temps de leur apogée.

Vous connaissez le syndrome des best-sellers? Vous savez, quand tout le monde vous rebat les oreilles depuis des mois à vous dire "Oh ce livre est génial il faut absolument que tu le lises espèce d'inculte, tu fais honte à la communauté des lecteurs! Brûles Satan!" etcetera? Et quand vous finissez par ouvrir le fameux bouquin vous vous rendez compte que l'on vous a conseillé un torchon? Eh bien pour une fois, on aura eu raison de nuire à ma petite tranquillité de lectrice solitaire!
D'abord, il y a beaucoup d'humour et de tendresse dans ce livre. Si si, c'est essentiel pour ne pas tomber dans une plume trop lourde et se morfondre le temps de quelques pages, voire de tout le roman (#ThérèseRaquin). Et c'est surtout plein de surprises et de petits histoires très intéressantes! Comment récupérer une femme en kidnappant son chien? (A ne pas reproduire chez vous, sous peine d'internement à l'asile). Comment occuper tout un chapitre avec les déboires de la constipation chronique? (N'essayez même pas d'imaginer). On se retrouve finalement avec des anecdotes tellement WTF?! sans pour autant tomber dans le ridicule et qui nous rendent un sacré service pour nous attacher aux personnages.
Ces personnages, parlons-en. Ils sont tout aussi vivants que ceux de Stephen King. Le lecteur suit surtout les aventures des trois cousins Hillel, Woody et Marcus, surnommés le Gang des Goldman et liés par une affection inconditionnelle. Pour peu, on se croirait de retour à l'époque des serments à coup de crachats dans la main et des aventures d'été! Comme dans un rêve, on voit au travers des yeux de Marcus ces êtres admirables, l'Oncle qui a réussi jusqu'à devenir le héros de la famille et la tante sublime et douce, qui paraissent comme immuables et invincibles.
Mais toute cette tendresse n'est qu'un prélude à la nostalgie, d'abord sous-jacente, qui va finir par inonder tout le roman. Finalement, le Livre des Baltimore aurait tout aussi bien pu être A la recherche du temps perdu, avec la volonté d'un Marcus devenu écrivain de faire renaître dans ses oeuvres une époque qui n'est plus et ses disparus, toute cette Amérique en ébullition des années 80-90 et son enfance envolée. Au travers des premières expériences des trois Goldman Joël Dicker traite de la douleur de grandir et de ceux qui décident de s'accrocher à leur enfance comme à un paradis perdu. L'évolution des personnages va être vertigineuse jusqu'à l'impensable.
Chacun peut reconnaître en cette famille la sienne, l'odeur des grandes vacances et des cousinades tout comme les drames secrets qui minent plus où moins nos relations. Ah, les secrets de famille, LA recette universelle des écrivains, thème traité et retraité (et vieux, nomdediou!). Mais pour autant cela ne m'a pas dérangée outre mesure, car loin du sentimentalisme de bas étage on tombe dans des jalousies tellement mesquines!
Eh oui! Car le paradis perdu n'est pas seulement ici celui de l'enfance, mais aussi celui des bons moments dont on n'a pas su profiter et que l'on sacrifie dans une recherche de plus, toujours plus! La gloire des Baltimore, comme toute chose, était éphémère. Depuis le début, il y a comme une menace qui pèse sur les Baltimore, comme si à trop jouer avec la chance ils signaient eux-mêmes leur arrêt de mort!

Des SOUS, des SOUS et ENCORE DES SOUS à la base de tout ça! Il y avait comme un parfum de Dallas qui filtrait entre ces pages (pognon et magouilles à la sauce américaine, vous voyez le truc?)

Picsou, THE reference

Et en bons petits innocents (parce qu'il est bien connu que les enfants sont toujours les poires de service) les trois cousins Goldman ne se doutent de rien. Seul Marcus pourra lever le voile bien plus tard sur ce que l'on aura cherché à leur cacher, et sur ce tableau si parfait de la famille rêvée qu'il n'a jamais cherché à retourner. Le petit Marcus, à 35 balais, c'est déjà un vieux con qui vit dans la nostalgie perpétuelle et qui n'a pas le courage d'aller de l'avant. C'est une quasi obsession, bien pratique pour l'auteur car cela lui permet de faire régulièrement référence au Drame pour piquer la curiosité du lecteur. Ce livre est intelligent! Et histoire de conclure sur une méditation profonde qui me fera passer pour un peu plus spirituelle que je ne le suis, il pose une question importante: quel est le degré de notre propre lâcheté face au "drame de la vie" comme l'appelle l'Oncle Saul? Sommes-nous des Marcus bloqués dans une faille temporelle ou trouvons-nous le courage de faire face à l'existence?






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