Les Enfants de la liberté de Marc Lévy ✩✩✩


"Que la peur habite chacun de vos jours, chacune de vos nuits, continuer de vivre, continuer d'agir, de croire que le printemps reviendra, cela demande beaucoup de cran. Mourir pour la liberté d'autrui est difficile quand on a que seize ans."
Le Pitch: En 1942, à Toulouse, deux adolescents juifs, Raymond et Claude Lévy, s'engagent dans la Résistance. La 35ème brigade, c'est son nom, composée de très jeunes soldats de la liberté, presque tous d'origine étrangère, prêts à donner leur vie pour la libération de la France.

C'est étrange, la manière dont cette lecture peut apparaître lumineuse. C'est triste, c'est injuste, des innocents meurent à cause de sales cons qui dénoncent et qui torturent. Mais il faut dire que l'auteur a su retranscrire l'optimisme et l'idéalisme de ses personnages, qui voient véritablement la fin du tunnel en pleine guerre et qui savent que leur vie vaut la peine d'être sacrifiée alors même que beaucoup encore croient à un Reich de 1000 ans. Ce sont presque des enfants qui rêvent de pouvoir un jour vivre en liberté mais qui pour s'offrir et offrir aux autres ce merveilleux rêve vont devoir sacrifier leur jeunesse et parfois même leur vie.
Il faut dire qu'ils ont du cran. "J'ai fait partie d'une bande de copains qui est la seule à avoir réussi à descendre des bombardiers allemands... à bicyclette." confie Jeannot. Pour peu, on croirait que ce n'est que de l'amateurisme à deux sous, que c'est de l'inconscience, qu'ils prennent trop de risques, que ça ne va pas marcher et que leur sacrifice ne va servir à rien. Mais ce qui est merveilleux, c'est que ça fonctionne. Malgré leur jeunesse, ils vont être d'extraordinaires soldats de la liberté.
Ce n'est pas de l'inconscience, c'est du courage, cette capacité à fermer les yeux sur ce qui pourrait se produire afin de trouver la force de poursuivre le combat. Ils ont un pied dans l'adolescence et un autre dans l'âge adulte... On n'est (pratiquement) pas sérieux quand on a dix-sept ans, c'est l'impression que donne ce livre d'une lutte n'a jamais été aussi folle ni aussi raisonnable. Pour résumer, c'est le récit d'une jeunesse peu commune sous l'occupation (enfin, rien que ça, ce n'est pas commun!).
Ecrit sous la forme d'un témoignage d'un père (Raymond, alias Jeannot) à son fils devenu écrivain, le style n'a pas besoin d'être brodé de métaphores à chaque ligne. On a l'impression d'être en train de lire au jour le jour le journal intime d'un résistant, lorsqu'il raconte ses actions (un peu flippantes quelquefois) mais aussi les détails de sa vie quotidienne parce qu'il ne faut pas oublier que ce sont des êtres humains comme les autres qui ont "seulement" eu l'initiative de se séparer de leur famille, d'arrêter leurs études et de rentrer dans la clandestinité. Un goût d'authenticité, donc, comme si on les connaissait. On pleure à chaque mort, d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'êtres d'encre et de papier mais de personnes qui ont réellement existé. A chaque page, on tremble que l'un d'eux meure, alors qu'en réalité ceux qui sont morts le sont depuis plus de soixante-dix ans et c'est ça qui est remarquable, cette faculté de nous attacher aussi solidement à de parfaits inconnus (à qui nous devons cependant notre vie aujourd'hui).
Ce sont également des descriptions tendres (ou du moins humaines) et pittoresques qui composent ce livre et lui donnent du relief: l'angoisse qui prend le résistant aux tripes alors qu'il s'apprête à tuer un officier allemand pour la première fois, ou encore les histoires d'amour que les membres de la 35ème s'empêchent de vivre au sein du réseau parce que cela risquerait de compromettre leurs actions. Il y a aussi beaucoup d'humour. Il est impossible de rester de marbre face à la scène où l'un des résistants fait une omelette pour ses amis; une explosion se produit et tout le monde croit à une intrusion de la milice. En vérité, le cuisinier avait oublié de retirer du pot de graisse les douilles qu'ils étaient en train de lubrifier pour une future action!
Avec cette ambiance si particulière, on se croit vraiment dans la France des années 40. L'auteur a eu le mérite de peindre non seulement le portrait de résistants pas comme les autres, mais également des héros d'un jour qui font partie de la majorité silencieuse mais qui vont pourtant aider la 35ème brigade ou tout simplement "fermer les yeux" et leur sauver la vie. On est bien loin du résumé résistants communistes ou gaullistes + collabos + silencieux. Mais il y a aussi de la lâcheté et de la trahison qui rôdent, ou tout simplement du vice. Celui d'un procureur tout droit sorti d'un roman de Kafka, un Javert du XXème siècle prêt à appliquer à l'encontre de résistants une loi qui n'est plus juste, ou encore ce chef de la Résistance qui refuse de porter secours à des jeunes arrêtés, sous prétexte qu'ils n'étaient pas français, alors qu'il aurait facilement pu leur éviter la déportation!
Quand on referme ce livre, on a l'impression d' avoir découvert un monde sans avoir pu en percer le secret, comme si l'on ne pouvait jamais comprendre ce qui animait vraiment les personnages. Marc Levy, dont je n'apprécie pourtant pas particulièrement la plume, a su offrir l'immortalité aux enfants de la liberté (c'est y pas mignon cette petite rime? Oui, je sors🚪).

Pour ceux qui n'aiment pas lire (ce qui est peu probable si vous suivez ce blog soyons d'accord 😀), il y a également une adaptation en BD.
Source: bedetheque.com

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